Les
conseils évangéliques
Magistral
enseignement du Père Marie-Dominique PHILIPPE... à lire (jusqu'au
bout), à méditer, à relire. Ce texte a une
particularité il peut vous "convertir" !
Comme l’a rappelé le concile Vatican II : « Les conseils
évangéliques de chasteté vouée à Dieu, de Pauvreté et d’obéissance, étant fondés
sur les paroles et les exemples du Seigneur (…), constituent un don divin que
l’Eglise a reçu de son Seigneur et que, par sa grâce, elle conserve fidèlement »
(Lumen Gentium, 43). Mais l’esprit des conseils évangéliques, s’il est vécu de
la manière la plus parfaite pour ceux qui consacrent toute leur vie à Dieu dans
la profession religieuse, n’est certes pas réservé aux religieux. Il faut donc
essayer de comprendre comment, en tant qu’Epouse du Christ (Eph 5,25 ; Ap 21,9),
l’Eglise doit vivre dans tous ses membres de cet esprit de pauvreté, de chasteté
et d’obéissance qui résume en quelque sorte les Béatitudes évangéliques (Mt
5,3-10) dont Jésus lui-même a vécu et elle les met à notre portée d’une manière
toute pratique, pour que la charité puisse pleinement s’épanouir en
nous.
Heureux ceux qui
ont une âme de pauvre, c’est la première Béatitude, celle qui montre le
mieux le passage de l’ancienne à la nouvelle Alliance, en Jésus qui est le
pauvre par excellence. L’amour est toujours lié à la pauvreté, à bien plus forte
raison l’amour divin. Pour aimer vraiment, pour recevoir vraiment celui qu’on
aime et qui devient pour nous une source d’amour qui nous attire, il faut être
pauvre : on devient le mendiant de celui qu’on aime. La pauvreté intérieure est
un dépouillement de nos propres droits. Le pauvre est celui qui accepte de ne
pas avoir de droits pour être toujours plus mendiant de la
miséricorde.
Il faut bien distinguer « l’esprit de pauvreté » de « la
pauvreté de fait ». La pauvreté de fait c’est manquer de ce dont on a besoin
pour vivre (pain, gîte, habits …), c’est ne pas avoir reçu une instruction qui
aurait pu nous permettre de faire des choses intéressantes, c’est ne pas avoir
reçu une éducation qui nous aurait permis d’acquérir telle ou telle vertu. Ces
pauvretés de fait, nous les vivons souvent soit dans une attitude de
résignation, soit en faisant un complexe d’infériorité. En réalité, si nous
sommes chrétiens, ces pauvretés demandent à être assumées dans un esprit de
pauvreté. Si Dieu a permis que notre intelligence ou notre cœur ne soient pas
aussi développés qu’ils auraient pu l’être, c’est pour que nous puissions
assumer ces pauvretés dans l’amour, en comprenant que toutes ces blessures sont
permises pour que nous soyons davantage mendiants du cœur de
Jésus.

L’esprit de pauvreté agrandit notre cœur, il nous
empêche de nous replier sur nous-mêmes et d’être pharisiens. La suffisance
spirituelle est une chose terrible parce qu’elle nous empêche de grandir. C’est
directement contre elle que lutte l’esprit de pauvreté, qui nous rend totalement
relatifs à Jésus parce que nous savons que sans lui nous ne pouvons rien faire
(Jn 15,5). Revêtus alors de la miséricorde du Christ, nous avons la richesse
même de celui qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous (2 Co 8,9).
Nous sommes envahis de sa miséricorde et revêtus de sa splendeur intérieure, la
plénitude de sa grâce.
L’esprit de pauvreté est d’une certaine manière le
gardien de l’esprit de chasteté. L’esprit de chasteté (qui s’achève dans un
esprit de virginité) consiste à aimer « divinement » (aimer de charité) notre
corps, notre sensibilité, notre imagination. Cet esprit, qui exige une très grande pureté
et limpidité du cœur, nous fait comprendre que l’amour qui s’exprime à travers
notre sensibilité, nos passions, notre imagination et notre instinct, reste un
amour très limité. Cet amour, qui est très enraciné dans notre corps puisqu’il
touche en nous la nature humaine, nature charnelle, est un amour égocentrique.
Par l’instinct et la passion, on veut satisfaire des besoins immédiats ; et
l’instinct (l’instinct sexuel ou l’instinct qui se porte sur la nourriture et la
boisson) implique toujours un retour sur soi. C’est une jouissance immédiate
qu’on cherche : ce n’est donc pas un véritable amour, car le véritable amour
exige un dépassement, il demande d’aimer l’autre pour lui-même. La
« concupiscence de la chair » (1 Jn 2,16) doit être dépassée pour que l’amour
véritable s’empare complètement de notre cœur. Ainsi, comme l’esprit de
pauvreté, mais d’une autre manière, l’esprit de chasteté agrandit notre cœur à
la dimension d’un amour plus parfait, beaucoup plus grand. Il ne s’agit pas de
lutter contre l’instinct et les passions en mettant uniquement des barrières :
« C’est défendu, donc je ne le fais pas » (attitude stoïcienne). C’est quelque
chose qui, de l’intérieur, va pouvoir assumer l’instinct et les passions pour
les apaiser et leur permettre d’être dépassées par un amour plus
grand.
L’esprit de chasteté, qui est un esprit évangélique et
qui provient donc de l’Esprit-Saint, de la plénitude de l’amour divin, ne vient
pas brimer de l’extérieur : il assume et transforme de l’intérieur. En effet,
même l’instinct est un certain appel à l’amour, mais très limité, très
égocentrique. Il faut donc que, de l’intérieur, l’esprit de chasteté arrive à
saisir ce qu’il y a de juste dans cet appel et dans la passion, pour les
dépasser ou les assumer dans un amour plus parfait.
L’esprit d’obéissance est
peut-être ce qu’il y a de plus difficile à vivre dans le climat
d’aujourd’hui. En effet, l'influence freudienne va directement contre
l'esprit d'obéissance. Dans la perspective de Freud, l'obéissance est source de
refoulement et elle doit être dépassée. On l'admet à la rigueur (et encore, pas
toujours) pour l'enfant, mais ensuite on ne l'accepte plus. En fait, déjà
Aristote n'admettait l'obéissance que pour l'enfant et la femme (qui, selon lui, n'était pas
capable d'exercer vraiment la prudence). Ainsi, l'obéissance serait réservée à
ceux qui ne sont pas capables d'exercer la prudence; l'homme prudent n'aurait
plus qu'à obéir à des choses extérieures, à respecter les lois civiques, payer
ses impôts, etc. Ainsi comprise, l'obéissance est réduite à bien peu de chose.
Or ce qui est extraordinaire dans l'Evangile, c'est que l'obéissance prend tout.
Et cela, Jésus l'a voulu dès le premier instant de son Incarnation (He 10,5-9),
et c'est dans l'obéissance qu'Il a terminé sa vie : Il s'est fait obéissant
jusqu'à la mort... (Phi 2,8).
Pourquoi l'obéissance, en terre chrétienne, prend-elle
cette dimension et devient même un « esprit » d'obéissance ? Parce que Jésus
veut que nous soyons enfants du père, dans les ténèbres de la foi et la pauvreté
de l'espérance. Or, entrer dans cette intimité avec le Père exige de nous un
grand dépassement, précisément parce que nous ne tendons plus vers un bonheur
humain, mais vers un bonheur divin. L'obéissance est ce qui permet le mieux ce
dépassement, puisque dans l'obéissance on accepte de mourir à son jugement
propre. Nous acceptons de perdre ce jugement pratique qui organiserait notre vie
selon notre propre prudence, pour recevoir le jugement de celui qui exerce sur
nous l'autorité. L'obéissance, en effet, nous lie directement à l'autorité sur
nous, et on reçoit ce commandement de celui qui a l'autorité suprême du Père.
Toute autorité est paternelle.
Pour bien comprendre cet esprit d'obéissance, il faut
toujours bien distinguer « autorité » et « pouvoir ». C'est l'origine de
l'opposition si violente de Freud à l'égard de l'obéissance : il a confondu le
pouvoir, qui peut devenir tyrannique, avec l'autorité. L'autorité est un service
: on aide celui qui nous est soumis, dont on est responsable. On l'aide, et on
vit avec lui comme « en cordée », pour pouvoir monter plus vite et avec plus
d'assurance vers la volonté du Père, vers Jésus qui nous attend. Toute autorité
doit être vue dans ce lien avec l'autorité première du Père et ainsi nous aider
à aller plus loin, à sortir de nos propres limites, de nos petitesses, pour
entrer dans une intimité d'amour plus profonde.
L'obéissance présuppose l'amour et, quand il s'agit de de l'esprit d'obéissance, elle s'achève dans l'amour. C'est alors quelque chose de très grand, puisque dès qu'on obéit, on fait œuvre commune avec celui qui exerce l'autorité sur nous. Et du fait même qu'on fait œuvre commune avec lui, on a toute la grandeur de son regard : on n'est plus enfermé sur soi et on a la vision même de Dieu sur nous. Mais évidemment, cela exige de mourir à nous-mêmes, à notre jugement propre. C'est pour cela que l'obéissance chrétienne nous lie toujours à la Croix du Christ et nous fait vivre un peu du même mystère que lui. Nous nous offrons au Père, à son autorité paternelle, nous lui offrons notre propre volonté en holocauste d'amour, pour que ce soit la volonté de Dieu qui s'empare de nous et qui oriente toute notre vie.
Père Marie-Dominique Philippe O.P
Cet article n'a pas encore été commenté ...
Enregistrer un commentaire
>> Comment faire ? Besoin d'aide : -cliquez ici-